Commentaires sur les prévisions IEA 2017

Comme tous les automnes, l’IEA a sorti son rapport annuel weo, dont sont repris ici quelques éléments sur les projections de pétrole brut conventionnel et de pétrole au sens plus large (liquides pétroliers en sortie de raffinage).

Pour le brut conventionnel (équivalent à 70% des liquides pétroliers sortie raffinage), l’IEA prévoit un plateau de production jusque 2040 au moins. Le taux de déclin moyen des gisements existants est estimé à 4,2%/an (3,7%/an avec eor), ce qui signifie un remplacement des 2/3 de la capacité productive d’ici 2040. Si on compare avec le weo2010, jusqu’à présent l’industrie a bien compensé les déclins estimés ; c’est moins bien si on compare avec weo2008. On peut cependant se poser des questions sur la faisabilité d’un remplacement d’une telle ampleur, alors que les nouvelles découvertes continuent de diminuer. L’écart par rapport au scénario de Jean Laherrère (ASPO France), qui a utilisé une méthodologie de Hubbert et est jusqu’à présent globalement dans le bon pour le conventionnel, est de plus de 20 mb/j. D’autre part, les prévisions weo2017 se situent dans un trend de corrections vers le bas.

IEA projection production pétrole tous liquides 2017

Pour les liquides pétroliers sortie raffinage, depuis l’époque 2004-2008 où la production était sous contraintes, la production a bondi grâce aux pétroles de schiste US. De 2002 à 2010, l’IEA revoyait régulièrement à la baisse ses prévisions, mais depuis 2010 elle les revoit de nouveau à la hausse. Les scénarios sont bien au-dessus de ceux de Laherrère et Bauquis (ASPO France). L’IEA estime que les pétroles de schiste plafonneront vers 2025, et que l’OPEP prendra la relève. Mais comme discuté au paragraphe précédent, le pétrole conventionnel pourrait décevoir. Même sans mauvaise surprise de ce côté-là, l’IEA prévoit une division par 2,5 de la croissance de la production par rapport à la tendance des 25 dernières années. Cette cassure aura-t-elle lieu sans douleur pour l’économie? (Voir l’analyse The Shift Project sur ce sujet). On se souviendra de 2004-2008, où il y eut arrêt de la croissance de la production. Et jusqu’à présent, les discussions sur le climat n’ont pas d’effets. La consommation a même surperformé ces dernières années ; elle est supérieure d’environ 5mb/j à ce qu’elle était prévue 6 ans auparavant (weo2010). D’ici 2040, le changement pourrait venir de la voiture électrique (-1 Mb/j), car la croissance de la pétrochimie (+6 Mb/j), de l’aviation et du transport maritime (+4 Mb/j) et des camions (+4 Mb/j) reste forte. Mais pour développer la voiture électrique, il faut de l’électricité. Rien que pour l’Inde et la Chine, l’IEA s’attend à ce que ces deux pays ajoutent ensemble l’équivalent de la puissance actuelle de l’UE et des Etats-Unis. Le Moyen-Orient double sa production, l’Asie du sud-est et l’Afrique font plus que doubler. Mais dans toute cette frénésie, la voiture électrique ne représenterait que 5% de la croissance. Le pétrole n’est donc qu’une des composantes d’un mix énergétique attendu en augmentation de 30% au niveau mondial. C’est énorme ! (voir présentation IEA) Toutes les formes d’énergie seront mobilisées pour la croissance.

Pour le pétrole, certains éléments défavorables pourraient donc mener à un nouveau choc pétrolier d’ici 2025: l’affaiblissement de la production de brut conventionnel se poursuit, les conflits au Moyen-Orient se complexifient et certains pays ayant franchi leur pic pétrolier sont déstabilisés à leur tour (Venezuela, Algérie, Nigeria). Jusque 2025, le pétrole de schiste US aura un rôle clé dans le scénario à venir, car c’est la réactivité de cette production qui a relancé la croissance pétrolière mondiale et la croissance économique. Mais la rentabilité des pétroles de schistes n’est toujours pas claire, et leur développement est lié à la situation particulière qui règne sur les marchés financiers depuis 2008 (voir ici). Pour ces raisons, le scénario de « plateau ondulant » est toujours d’actualité. Pour notre époque habituée au court terme, insistons sur le fait que les variations de prix sont amples, avec des phases parfois très longues. Depuis le nouveau millénaire, on a connu deux phases de hausse, en 2000-2008 et 2009-2014, et deux phases de baisse, en 2008-2009 et depuis 2014 (voir ici).

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