Les pics des énergies fossiles: l’exemple de la Grande Bretagne.

Figure 1: Cycles de production de charbon, pétrole, et gaz de Grande-Bretagne tels qu’observés au cours du temps (gauche) et approximés par des courbes en cloche (droite). Les productions déclinent bien avant la fin des réserves. Pour d’autres exemples de pics fossiles, voir B. Durand (2013), pdf.

C’est en Grande-Bretagne qu’est née la révolution industrielle, grâce à l’abondance de charbon. La production de charbon a progressé régulièrement jusqu’à atteindre son pic en 1913, puis est entrée dans un long déclin marqué par les soubresauts de l’histoire: première guerre mondiale, grève générale de 1926, crise des années 1930, deuxième guerre mondiale, grève de 1984. Ce cycle du charbon est pratiquement terminé, la dernière mine profonde ayant fermé en 2015 et ne restant qu’une faible production à ciel ouvert; le cycle aura duré environ 200 ans.

Dans les années 1970, alors que le charbon déclinait, le pétrole et le gaz de la Mer du Nord sont arrivés. Mais trente ans plus tard, les productions franchissaient aussi leur pic et entraient en déclin rapide. Pour le pétrole, le profil de production est cabossé à cause de l’explosion en 1988 de la plateforme Piper Alpha qui a désorganisé la production pétrolière en Mer du Nord.

En Grande-Bretagne, toutes les productions de combustibles fossiles sont donc aujourd’hui en déclin, et ces exemples illustrent à merveille l’intrication des facteurs influençant les profils de production:

  • facteurs géologique : pour qu’il y ait extraction, il faut que la ressource existe, et la quantité extraite reflète la dispersion de la ressource et sa localisation dans le sous-sol; ces facteurs géologiques influencent les techniques utilisées et les conditions économiques. Nul doute que si les veines de charbon de Grande-Bretagne avaient été plus épaisses et affleurantes, elles seraient toujours en exploitation aujourd’hui.
  • facteurs techniques: en amélioration constante, ils permettent d’améliorer les taux de récupération et d’aller chercher les ressources dans des endroits plus difficiles, comme ici les pétrole et gaz de Mer du Nord. Cependant, la technique ne permet de récupérer qu’une partie de la ressource en place, et peut elle-même devenir gourmande en ressources financières, matérielles, et énergétiques. De nombreuses ressources énergétiques ne peuvent être considérées comme sources d’énergie, car les techniques d’extraction dépensent plus d’énergie qu’elles n’en récupèrent.
  • facteurs économiques: notamment le cours de la ressource, le coût des techniques, etc. qui rendent économiquement rentable ou non l’extraction.
  • facteurs politiques et autres: Grèves, accidents, guerres, crises ont surtout joué ici le rôle de perturbateurs des productions, ajoutant un bruit de fond erratique aux trajectoires de production.

Malgré tous ces facteurs, les cycles de production s’apparentent en première approximation à des courbes en cloche. Tout le travail de l’ASPO consiste à étudier ces cycles de production, à raffiner leur profil pour mieux tenir compte des différents facteurs, à prévoir l’apparition éventuelle de nouveaux cycles ainsi que les conditions de leur apparition. En Grande-Bretagne, ces nouveaux cycles pourraient être l’exploitation des gaz de roches-mères, et le retour du charbon, par gazéification souterraine.

N’oublions pas cependant que notre civilisation est basée sur la disponibilité d’une énergie abondante à bas prix, et que les nouveaux cycles de production qui surgiront dans le futur, basés sur des ressources plus difficiles d’accès et plus éparpillées, n’assureront peut-être plus ces conditions. Ainsi, celui qui a une mare au fond du jardin avec des feuilles qui pourrissent dans la vase a certainement des ressources en gaz naturel, mais il est improbable qu’un groupe pétrolier débarque dans son jardin pour extraire le gaz et l’envoyer vers les usines d’engrais azotés dont dépend l’agriculture industrielle.

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